vendredi 21 mars 2014

USA 1 / La Sandrinette 0 ... ou l'histoire de comment je suis devenue américaine en moins de deux semaines....

Vous allez être très déçus… je sais pas trop comment vous l’annoncer… moi qui me vantais dans mon dernier article d’avoir résisté mieux que quiconque à la pression de l’américanisation… ben voilà… j’ai… (oh ! mon Dieu que c’est difficile…)… oui, voilà… j’ai acheté une voiture…

Je sais, je sais… je sais pas ce qui m’a pris…

Voilà ce qui s’est passé :

1. La Sandrinette il y a deux semaines :
La Sandrinette travaillais a dix minutes de chez elle a vélo, dans une superbe bâtisse du début du siècle (c’est-à-dire du début du pays aux États-Unis… c’est comme si vous (les français) vous travailliez dans les grottes de Lascaux….)
Je n’avais ni voiture, ni permis de conduire américain… ce qui est un exploit quand on vit au Colorado.
Et jusqu’au mois de décembre 2013 j’avais un téléphone flip-flop (très chic !) sans connexion Internet, ni Facebook, ni banque en ligne, ni rien de tous ces trucs sans lesquels je ne pourrais plus du tout vivre aujourd’hui.
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes quand… tout à coup: 

2. L’élément declanchant:
Une de mes collègue me dît : « Franchement, je ne comprends pas ce que quelqu’un avec tes qualités personnelles, ton éthique professionnelle et ton niveau d’étude fait ici… (ici = le cabinet d’avocats pour lequel je travaillais) » MOI : « … ? », MA COLLÈGUE : « Pourquoi tu ne postules pas pour travailler dans les assurances ? Tu gagnerais beaucoup plus d’argent ! »
Ça a été le début de la fin… le problème aux États-Unis c’est que même si vous menez la belle vie, vous pouvez être surs que votre voisin en mène une meilleure… c’est ainsi que j’ai soudainement commencé  à me sentir frustrée de gagner un salaire qui me convenait tout a fait 10 minutes auparavant. Mon amie Faustine (qui se reconnaîtra) en sait quelque chose, puisque elle aussi s’est retrouvée assaillie de doutes en apprenant que « quelqu’un » (qui j’espère ne se reconnaîtra pas) venait d’acheter une maison à 800 000 dollars…  
C’est ainsi que je franchisai le premier pas qui allait me mener inexorablement vers ma conversion à l'américanisation :

a) Pas numéro 1 : souffrir d’insatisfaction chronique…

Je fis donc ce que font les gens qui veulent changer de travail, j’envoyai 50 000 CV un peu partout. Curieusement, le seul CV qui reçut une réponse positive, fut celui que la collègue à l’origine de mes frustrations envoya directement à son ex-manager dans une célèbre compagnie d’assurance (avec moult éloges à mon sujet.…).

Je fus donc convoquée pour un entretien d’embauche à 8.30 du matin le mardi… le mardi en question, j’envoyai donc un message urgent à ma « superviseuse » : 

« J’ai été malade toute la nuit, je suis désolée, je ne vais pas pouvoir venir travailler ce matin… euh mais je me sens quand même mieux donc peut-être que je vais quand même pouvoir venir… il se pourrait même que je sois en pleine forme dans quelques heures… souhaite-moi bonne chance… euh ! Pardon ! Souhaite-moi prompt rétablissement… ».

J’ai envoyé ce message depuis mon smart phone (comment faisais-je auparavant pour passer des entretiens d’embauche impromptus sans risquer de me faire virer pour ne pas avoir prévenu de mon absence ?) et j’ai filé dans les « suburbs », autrement dit les banlieues chic, comme celles de Desperate Housewives, pour passer mon entretien. Comme je suis une fille pas du tout stressée, j’y suis arrivée avec une heure d’avance… « pas grave ! je vais aller prendre un café »… alors voilà, pour ceux qui connaissent pas les États-Unis, ici il y a du « zonage » c’est-à-dire que comme ils ont construit le pays tout d’un coup (pas comme nous qui avons mis au moins 2000 ans), chaque chose ici est à sa place et surtout pas les unes à côté des autres. Donc en Europe, sur 10 mètres carrés tu as un bistrot, un arrêt d’autobus, 10 immeubles d’habitation avec des antennes wifi sur le toit, des petits commerces en bas, un carrefour à coté, un stade de foot et le musée du tournevis. Par contre ici sur dix mètres carrés vous avez… vous avez rien parce que rien ne rentre… donc sur dix mille mètres carrés vous avez soit que des maisons qui sont toutes les mêmes comme dans Desperate Housewives, soit que des magasins pour faire vos courses, soit que des entreprises comme celle où je passais mon entretien, soit que… rien parce que le Colorado c’est très sec alors souvent il n’y a rien, et si tu tombes en panne d’essence… et ben tu meurs déshydraté et mangé par les écureuils. Donc j’ai passé la première demi-heure à essayer de trouver un café (j’ai eu le temps d’arriver jusqu’au premier feu qui se trouve « à côté » de mon entreprise, constater qu’il n’y avait pas de café à dix kilomètres à la ronde et revenir. 
a droite...
a gauche...












J’ai passé l’autre demi-heure à essayer de comprendre comment j’allais faire pour pénétrer dans le service où j’avais été convoquée…. Alors oui, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, le Colorado est très connu à l’étranger pour ses montagnes, son climat… et ses tueurs en série qui arrivent au choix, dans une école, ou dans un cinéma, et qui tuent tout ce qui bouge et tout ce qui a cessé de bouger avant de se donner la mort… ou pas… (Colombine, La première de Batman et d’autre que je ne citerai pas pour pas vous affoler, c’est chez nous !). Alors voilà, pour pénétrer dans le service on a besoin d’une carte magique qui ouvre la porte quand tu la passes dans devant un petit boitier. Évidemment, je n’avais pas la carte magique… mais comme je n’avais pas non plus de carabine, ni de kalachnikov, ils m’ont quand même laissée rentrer.

Moi, pour l’entretien, j’étais super bien préparée ! J’avais tout bien révisé. Pour info, (non parce qu’on ne dirait pas comme ça, mais c’est important) je postulais pour un job de « claim adjuster » c’est-à-dire expert d’assurances ou quelque chose comme ça. En gros, si vous avez un accident de voiture aux États-Unis, c’est moi qui mène l’enquête pour savoir qui est en faute et qu’est-ce qui va être pris en charge ou pas (plutôt pas d’ailleurs) par l’assurance. (oui c’est moi la « c…… » qui te donnes 3000 euros pour ta voiture qui en vaut 8999…). Et la t’as les français qui disent : « ah bon ? Je ne savais pas que tu avais fait des études de… euh de… oui d’expert d’assurance…. ».  Et bien figurez-vous qu’aux États-Unis, pas besoin de faire des études de droit pour travailler dans un cabinet d’avocats, pas besoin, non plus, d’avoir fait des études de « claim adjusting » pour travailler dans une assurance… juste besoin d’avoir l’air de pouvoir apprendre. J’avais aussi un gros avantage, c’est que dans le cabinet d’avocats je travaillais contre les experts d’assurances. En gros, je leur écrivais des lettres pour leur dire pourquoi je voulais qu’ils donnent 50 000$ de dommages et intérêts à mon client qui avait souffert un petit accroc avec leur assuré (et c’étaient les avocats qui signaient la lettre... ils sont utiles les avocats aux Etats-Unis...). 

Je connaissais donc tout : les blessures typiques d’un accidenté de la route (en anglais ET en espagnol), les termes utilisés par les assurances (en anglais ET en espagnol), gérer les clients difficiles qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive (en espagnol) et supporter les avocats qui ne comprennent rien non plus mais qui sont persuadés du contraire (en anglais). Je suis donc arrivée très confiante, puis… le couperet est tombé… oui nous ne cherchons pas un expert d’assurance pour les blessures souffert par les accidentés, mais un expert d’assurance pour les dommages à la propriété… c’est-à-dire aux voitures… la Sandrinette ça fait dix ans qu’elle n’a pas eu de voiture (si on compte sa première et dernière Renault 5 qui tombait en ruine dans la catégorie voiture… sinon on peut bien dire qu’elle n’a jamais eu de voiture…). Après il y a eu la question qui tue : « Citez trois pièces d’une voiture », MOI : [dans ma tête : en anglais ???] « euh… il y a… euh… les roues… [dans ma tête : ça fait quatre, non ?]… euh… l’huile…. Euh… le volant… [ça va si je me suicide la ?] ». Mais ce qui a vraiment fini de m’achever c’était que moi je comptais sur le fait que je parlais espagnol pour avoir un gros avantage sur les autres candidats. Quand j’ai demandé à la femme s’ils cherchaient quelqu’un uniquement pour les clients espagnols, elle m’a dit : « non, pour tous. On a déjà 3 personnes ici qui traduisent… ». Adieu boulot merveilleux…. Je suis donc rentrée chez moi un peu dépitée…

Quand je suis revenue au boulot (le mien… celui du salaire ridicule ! Misérable ! Non mais quand même !) tout le monde était aux petits soins… (rappelez-vous que j’étais censée avoir été malade toute la nuit) : « ça va Sandrine ? », «Tu es sure que tu peux travailler ? », «Tu veux pas retourner à la maison ? », « Pauvre Sandrine… »… moi j’avais un peu la honte quand même…

Le lendemain, je reçois un appel… Je sais pas si c’est le coup de l’huile comme deuxième pièce de la voiture mais… j'ai eu l'honneur d’être choisie!!!!!! J’ai failli en sauter du balcon tellement j’étais contente ! MOI : « Mais c’est merveilleux !!!! Je suis très contente !!!! Excusez mon émotion… ». C’est après avoir raccroché que je me suis rendue compte que peut-être que ça allait être un peu compliqué de négocier mon salaire après avoir montré tant d’enthousiasme…. (oui parce qu’aux États-Unis on peut négocier son salaire).

Alors voilà, j’ai eu deux semaines pour (tenez-vous bien) :

- faire un « background check » : c’est-à-dire qu’ils veulent tous les papiers qui prouvent que vous avez travaillez là ou vous avez dit que vous aviez travaillé…. Y compris ceux d’il y a 8 ans quand je vivais à Séville en Espagne… et comme j’ai pas du tout travaillé au black là-bas… ben ça a été facile à prouver…. J’ai aussi dû fournir tous mes antécédents judiciaires et des copies de ma carte verte, passeport et tutti quanti… On n'embauche pas n’importe qui aux États-Unis…

- Acheter une voiture…. Et acheter une voiture, c’est vachement plus difficile qu’acheter un vélo…

- trouver une banque qui accepte de me faire un prêt pour acheter une voiture (c’est ce que je disais…).

- trouver quelqu’un qui signe le prêt de la voiture avec moi puisque je n’ai pas de « credit history » (c’est-à-dire que je n’ai jamais eu de prêt dans ce pays et donc la banque ne veut pas me prêter…).

- trouver une assurance qui veuille bien m’assurer.

- trouver quelqu’un qui veuille bien s’assurer avec moi parce que comme je n’ai ni « credit history », ni « conduite history » dans ce pays, l’assurance croit non seulement que je ne vais pas la payer, mais en plus que je ne sais pas conduire….

- passer mon permis de conduire américain : code et conduite inclus.

- choisir mes « bénéfits », c’est-à-dire mon assurance maladie et mes « cotisations retraite » auxquels je n’ai toujours rien compris….

Tout ça en travaillant 40 heures par semaines… j’étais pas du tout stressée…

J’ai finalement survécu les deux semaines grâce aux gens (qui j’espère se reconnaîtront) qui m’ont aidée à faire tout ça ! Parce qu’il faut bien dire quelque chose, moi depuis que je suis arrivée ici, j’ai rencontré des gens formidables qui m’ont tous beaucoup aidée. Rien que pour le processus que je viens de vous raconter, j’ai eu : la collègue qui m’a pistonnée, une copine qui travaille pour des assurances qui m’a envoyé une liste de questions qui sont souvent posées pendant les entretiens d’embauche (il n’y avait pas le coup des pièces de la voiture dans la liste…), l’autre copine qui m’a déposée devant l’assurance le jour de l’entretien d’embauche, la copine qui a signé les papiers de la banque avec moi et qui a passé son samedi à me promener de concessionnaires en concessionnaires pour trouver une voiture, le copain qui m’a donné un cours magistral sur les fonds de pension pour que je puisse choisir mes cotisations retraites convenablement et tous les autres copains qui m’ont soutenue et encouragée pendant tout le processus ! Oui, il n’y a pas que les États-Unis qui sont très chouettes aux États-Unis !

Résultat des courses : Maintenant je travaille à « Perpète-Les-Oies » dans un immeuble gigantesquement grand, tout moderne, avec plein de parkings autour et composé de « cubicules » :
Non, ce n'est pas une blague, je
travaille vraiment dans un cubicule...
(la photo n'est pas de mon travail)

Mes nouvelles grottes de Lascaux....










Je me déplace partout en voiture et j’ai même commencé à utiliser une carte de crédit… qui donne vraiment du crédit… histoire de montrer que je suis capable, moi aussi, d’avoir des dettes ! Pas que les américains, non mais oh !.... [pour ceux qui n’ont rien compris, vous pouvez lire mon poste précédent en cliquant ici pour une explication sur les cartes de crédit]…

b. Pas numéro 2 vers l'américanisation : travailler pour une grosse multinationale.

c. Pas numéro 3 vers l'américanisation : passer plus d’une heure et demie par jour dans sa voiture.

d. Pas numéro 4 vers l'américanisation : acheter des choses à crédit…

USA 4, La Sandrinette 0


Sur ce, je vous laisse parce que demain il faut travailler… parce que je veux pas dire mais il n’y a pas que la vie dans la vie, il y a aussi le travail !... ces français alors !

10 commentaires:

  1. Waouh, autant de changement en si peu de temps, c'est impressionnant !
    Ça fait plaisir d'avoir des nouvelles fraiches, et puis bravo pour ce nouveau boulot :)

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    1. Merci Caroline! Oui effectivement... je suis un peu dépassée par les événements...

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  2. wouhaou, quel courage ! bravo en tout cas pour cette jolie plume, j'ai bien ri !
    et félicitations pour le job ...
    PS : je conduis mais je crois que moi aussi j'aurais cité le volant, les roues ...pour l'huile, je ne suis pas sûre, je pense que j'aurais dit le pare brise ;)

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    1. merci Nath! oui l'huile c'etait abuse... je ne le referai plus... promis jure!

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  3. Quel plaisir de te - vous - relire ! Good job ;-)

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  4. Mais je connais cet immeuble ! Pas de mérite, j'ai cru reconnaître la grande rue. J'ai eu la confirmation quand tu as écrit qu'il n'y avait pas de café "tout près". Et ma première assurance auto était avec ta société.
    Félicitations pour ton nouveau poste.

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    1. jajaja! On a tous une rue comme ca pas trop loin de chez soi! Merci pour les felicitations!

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  5. Non, en fait, elle est vraiment près de chez moi. C'est bien Orchard, non ?

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    1. jajaja! ah ben oui! C Quebec Street entre Orchard et... je sais plus le nom de l'autre

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